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Le grand retour des programmes de fidélité multi-enseignes : une tendance à suivre en 2025

Tribune d'expert / 18 mai 2025

Dans un paysage retail en pleine mutation, où les consommateurs recherchent à la fois valeur, fluidité et reconnaissance, les programmes de fidélité multi-enseignes s'apprêtent à faire leur grand retour. Longtemps relégués au second plan au profit de stratégies propriétaires, ces dispositifs collectifs retrouvent une pertinence nouvelle, portés par les avancées technologiques et l’évolution des attentes client.

Un modèle ancien… à réinventer

Historiquement, des programmes mutualisés comme S'Miles ou Fidall ont rencontré un certain succès en France, avant de s’essouffler face à la montée en puissance des applications propres à chaque enseigne. Mais le contexte de 2025 change la donne : les consommateurs attendent désormais des expériences plus connectées, plus transparentes et plus avantageuses, quel que soit le canal ou l’enseigne.

Parallèlement, l’adoption croissante des wallets numériques, l’essor du retail media et la maturité des technologies d’IA rendent enfin possible une personnalisation à grande échelle — y compris dans des programmes partagés entre plusieurs marques.

Pourquoi les enseignes françaises devraient s’y intéresser à nouveau

Les bénéfices sont nombreux : mutualisation des coûts, élargissement de la base client, fréquence accrue des interactions et accès à de nouveaux segments. Côté consommateur, c’est la promesse d’un parcours simplifié et d’une accumulation d’avantages accélérée, quel que soit le lieu d’achat.

On peut imaginer des programmes partagés au sein d’un même groupe (ex : Grand Frais et Mon Marché.com, Bricomarché et Intermarché, ou encore les enseignes de la galaxie Mulliez), mais aussi entre partenaires affinitaires — pourquoi pas une alliance entre Decathlon et Nature & Découvertes, autour d’un programme "outdoor" commun ?

La technologie au service de la relanceLes architectures MACH (Microservices, API-first, Cloud-native, Headless) offrent aujourd’hui la flexibilité nécessaire pour piloter en temps réel des programmes multi-enseignes tout en respectant les spécificités de chaque marque. Ce qui, il y a encore dix ans, relevait de la prouesse technique est désormais industrialisable.

Les mécaniques de challenges personnalisés ou de récompenses croisées (gagner des points chez Leclerc et les dépenser chez Intersport, par exemple) deviennent réalité grâce à l’IA et à une orchestration intelligente des parcours clients.

C’est ce qu’a su faire Loblaw au Canada, après le rachat de Pharmaprix, en harmonisant deux programmes aux logiques de "earn & burn" très différentes. Même logique au Royaume-Uni avec le programme Virgin Red, qui permet de cumuler et d’utiliser des points chez plus de 300 partenaires du groupe.

Des attentes client au rendez-vous

En France, les consommateurs se montrent de plus en plus favorables à des programmes communs entre marques, à condition qu’ils leur permettent de cumuler des avantages plus rapidement et de découvrir de nouveaux univers produits. Les enseignes capables de bâtir ces alliances intelligentes auront un levier stratégique à actionner, notamment face à la montée des discounters ou des pure players.

Une opportunité pour recréer la préférence de marque

Dans un contexte d’inflation persistante, les programmes multi-enseignes peuvent aussi contribuer à restaurer une connexion émotionnelle avec des consommateurs devenus plus volatils. Plutôt que de miser uniquement sur le prix, ils réinjectent de la valeur relationnelle dans l’acte d’achat. S’ils intègrent une dimension engagée (soutien à des causes, promotion du local…), ils peuvent également devenir des vecteurs de différenciation durable.

En conclusion

Les programmes de fidélité multi-enseignes ne sont pas un vestige du passé, mais une réponse moderne à une exigence client renouvelée : celle d’un écosystème de marques cohérent, aligné sur leurs valeurs, leurs usages et leurs envies. Avec les bons partenaires technologiques et une stratégie de personnalisation robuste, les retailers français ont toutes les cartes en main pour réinventer ce modèle — et en faire un levier puissant de croissance.

Par Damien Authier, country manager France chez Eagle Eye