« Art »ificielles, ces intelligences qui inquiètent les métiers créatifs
Midjourney, ChatGPT, Stable Diffusion… des noms au cœur de l’actualité ! Ces intelligences artificielles explosent et commencent à s’immiscer dans de nombreux métiers, dont ceux créatifs. Les entreprises sont conscientes de ce tournant et tendent à en profiter. Selon PwC, 59% d’entre elles prévoient d’utiliser l’AI au cours des trois prochaines années. Une aubaine ou un danger ? Les métiers créatifs sont-ils en péril face à l’afflux des AI ? Comment expliquer la méfiance des AI dans le domaine de l’art ?
Du travail à la chaine aux métiers intellectuels
Interrogeons-nous sur pourquoi ces AI posent problème alors que cela fait des années que l’on en utilise ? Aujourd’hui, ces nouvelles AI ne touchent plus seulement aux métiers répétitifs/à la chaine, elles s’intègrent dans des secteurs intellectuels et de réflexion (et c’est bien cela l’élément de friction). La réticence des AI était en premier lieu un facteur social, avec la peur des remplacements de certains métiers et la perte d’emplois. Avec l’apparition des AI dans les milieux créatifs, la question devient alors d’ordre éthique et moral. Ces logiciels peuvent faire perdre de la crédibilité aux métiers artistiques en plus de déshumaniser un concept purement humain qu’est la réflexion et la créativité.
Des AI utilisées de manières inattendues
Les AI vont possiblement être la future révolution artistique, cela s’illustre déjà avec ses diverses utilisations. Ces derniers mois, des artistes et des marques ont déjà saisies ce tournant avant-gardiste et controversé. Jason M. Allen a par exemple créé une série de tableau avec l’aide de Midjourney, dont l’un d’eux a remporté le premier prix d’un concours d’art. Un prix, sujet à de nombreuses interrogations, que défend l’artiste :
"Je savais que cela allait créer la controverse. C'est intéressant de voir que toutes les personnes sur Twitter qui sont contre l'art généré par intelligence artificielle sont les premiers à oublier qu'il y a un humain derrière ce travail. Est-ce que ça ne vous paraît pas hypocrite ? » A déclaré l’artiste sur son Discord.
Les marques aussi décident de faire confiance aux AI. Martini a par exemple créé une campagne intitulée « Unbottling Martini » à partir de Midjourney. Une campagne de 9 visuels qui permet à la marque de « se tourner vers l’avenir en utilisant cette toute nouvelle technologie », d’après Avril Nunez, directrice mondiale du développement créatif de la marque.
Dans un tout autre domaine, le manga Cyberpunk : Momotarô, imaginé par Rootport, a été dévoilé et sortira prochainement. Un scénario, des dialogues, des dessins assemblés et créés par Midjourney. Inspiré de Cyperpunk : Edgerunners, ce nouveau manga est le fruit de la réflexion et de l’assemblage de l’orignal, modifié par le « nouvel auteur ».
Une relation entre machine et humain
Ce qui est sûr, c’est que ces AI ne fonctionnent pas sans humain. Il reste au cœur du processus, en aval avec tous les développeurs de l’AI et en amont avec l’utilisateur qui écrit le prompt*. De ce fait, une AI ne crée pas toute seule. L’humain et l’AI créent ensemble, avec des dimensions différentes. La machine traite plutôt la dimension technique et l’humain la dimension intellectuelle et imaginaire.
Cependant, il est difficile de qualifier ces œuvres « d’originales ». Elles s’inspirent, mixent des œuvres et projets déjà existants pour répondre aux besoins de leurs utilisateurs. Pour se faire, elles possèdent des bases de données exponentielles ce qui permet de puiser leurs inspirations chez de nombreux artistes, écrivains… avec des styles différents.
Des artistes contre cette forme d’expression
Avec toutes ces capacités, la peur de business frauduleux, d’utilisations abusives et commerciales et d’éthiques dans les milieux artistiques émergent. Certains artistes commencent déjà à les rejeter avec la création du #CreateDontScrape qui rassemble ceux opposés au mouvement.
S’ajoute à cela de nombreuses questions légales. En effet, les créateurs des AI doivent-ils percevoir des droits d'auteur quant à la commercialisation de leurs œuvres ? Face à ce manque de clarté, certaines entreprises prennent les devants. La plateforme Getty Images interdit les contenus générés par intelligence artificielle car l’entreprise s’inquiète des futures revendications des droits d’auteurs.
Des AI qui ont une autre vision d’eux-mêmes
Du côté des créateurs d’AI, la vision de leur produit est toute autre. Leur volonté n’est pas de remplacer les artistes mais de les aider.
« Notre espoir est que DALL-E puisse être utilisé par les artistes, les designers et les photographes comme un outil pour aider au processus créatif », d’après le porte-parole d’OpenAI.
Ces AI permettraient donc de faciliter et d’automatiser certaines tâches techniques du processus créatif des artistes. De surcroît, elles peuvent être utilisées comme sources d’inspirations pour ceux-ci.
Des paroles difficiles à croire quant à l’utilisation actuelle de ces AI. La plupart des utilisateurs s’en servent pour trouver directement une réponse à leurs besoins, plutôt que de s’inspirer de celle-ci. Ils prennent la réponse comme une solution simple, rapide et omnisciente. La maturité de l’emploi de ces AI se fera avec le temps avec les différentes possibilités qu’elles offrent et que l’on va découvrir.
Ces nouveaux outils permettront aussi de créer de nouveaux métiers et d’en faciliter certains, tout comme en supprimer. Le métier de « prompt engineering » pourra prendre sens dans les prochaines années. Il permet de tirer au maximum profit des AI en apprenant comment leur parler et générer de manière plus précise ce que l’on pense.
Les AI, l’aboutissement de nos outils ?
Ces AI sont donc de véritables polymathes. Des génies qui cependant, ne peuvent fonctionner sans une assistance humaine. Elles dépendent de nos besoins et de nos envies. Les milieux créatifs ne vont pas se voir remplacer, mais aider dans leurs tâches. On pourrait peut-être même parler à l’avenir de co-création entre machines et artistes.
Par Adrien Edouard, assistant planneur stratégique Castor & Pollux
*Court texte permettant de diriger l’IA pour qu'elle crée une image ou un texte fidèle à ce que son concepteur imagine.