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Attribution is dead, longue vie au marketing

Tribune d'expert / 13 avril 2024

Et si le cookie less était une révolution beaucoup plus importante que celle de l’IA dans le milieu du marketing digital ? Si je le constate déjà au quotidien avec les clients que j’accompagne, c’est au SMX, lors de la keynote de Rand Fishkin fondateur de Moz, personnage emblématique du paysage SEO et brillant marketeur, que j’ai eu un véritable déclic....

Son propos, si l’on devait tirer le trait, serait : l’attribution est morte, vive le marketing !

Néanmoins, l’attribution est-il un si grand mal ? Si l’on jette un œil dans le rétroviseur, à une époque où le digital n’était pas ce qu’il est aujourd’hui, et où les GAFA n’étaient pas encore autant implantés, la volonté d’attribution apparaissait plutôt comme une noble intention. Comment s’assurer que les interactions sont réelles, dans un monde numérique encore trop peu maitrisé ? Une visite en magasin, elle, est tangible, mais quid d’un site internet ? Comment s’assurer que ce trafic est réel, que les compteurs de pages vues sont justes ? Pour cela, un seul indicateur capable de trancher en toute impartialité : le business !

Qu’en est-il du trafic justement. Combien de CA est généré ? Combien de leads reçus ? En soit, combien d’éléments comptables, mesurables, permettent de justifier tel investissement dans cette stratégie marketing ? On pourrait ainsi voir l’attribution comme un mal nécessaire qui certes a permis de légitimer de nouveaux canaux marketing (pertinents et performants) mais duquel il faut réussir à se défaire. Être esclave de l’attribution, et de l’ensemble des modèles de contribution, c’est être victime des tout aussi nombreux biais qui les accompagnent ! Quid de la vérité entre un modèle dit “Last Click” versus “First Click” ? Même si d’autres apportent plus de nuances comme le time decay (avec une importance marginale exponentielle donnée aux points de contact), le problème demeure plus philosophique que technique. Les modèles restent des modèles ! Ils ne nous apportent non pas une vérité absolue sur des éléments concrets, mais une grille de lecture pour adopter une réflexion et un regard critique à l’ensemble des exceptions que nous rencontrons. Difficile de défendre des campagnes publicitaires sur YouTube en les opposant à des modèles purement orientés conversion. Et pourtant, les leviers de visibilité ont un impact réel sur la notoriété d’une marque et donc in fine, sur le trafic on-site et le business.

On pourrait croire que le cookies-less sonne le glas du webmarketing. Le RGPD avait déjà limité et biaisé tout un pan du webmarketing, bien qu’il ait des vertus pour l’internaute et le consommateur européen. Mais alors, qu’en est-il du travail du webmarketer ? Comment centraliser des données toujours plus atomisées dans un seul modèle ?

Et si au final ce n’était pas l’inverse qui était en train de se produire ? Si cette problématique très opérationnelle, ne nous montrait pas qu’au contraire, l’enjeu n’est pas du tout technique mais bel et bien stratégique ?

Alors oui, la data est importante ! Mais combien de décisions marketing dites data-driven ne sont que des justifications de décision déjà prises ? Pire, combien sont prises à l’aune de données inexactes ou de biais statistiques trompeurs ? Paradoxe de Simpson, défaut de corrélation… les statistiques sont un art sérieux, les chiffres peuvent être trompeurs et les conclusions parfois hasardeuses (à but purement récréatif, un site connu pour ces nombreuses corrélations … discutables : https://www.tylervigen.com/spurious-correlations).

Plutôt que de penser par source, il faut penser finalité ! Ce n’est pas le mix marketing qui doit faire la stratégie, mais l’inverse. Avant d’analyser la performance canaux à canaux, il faut analyser les performances sur base d’objectifs marketing macro. Bref, penser avant d’analyser !

Bien sûr qu’il est intéressant et nécessaire pour n’importe quel site d’analyser la répartition de son trafic, l’évolution de son trafic naturel, ainsi que l’évolution des coûts sur sa stratégie SEA... Mais au-delà de ces points, ce qui est vraiment fondamental c’est de comprendre le business et se poser les bonnes questions : Qu’en est-il de ses performances sur tel segment produit qui est une priorité (en regardant l’évolution du trafic sur tel groupe de page, en analysant le taux de conversion sur telle campagne) ?  Suis-je plus visible sur telle thématique sur laquelle j’essaye de m’imposer face à la concurrence (Reach par thématique…) ?...

Certes les métriques expertes sont utiles, et notamment pour justifier la bonne implémentation d’une stratégie définie mais elles ne peuvent être le point d’origine des décisions stratégiques. Du moins pas les seules, au risque de construire des stratégies en silos et qui occultent l’essentiel : les priorités business et marketing ! Et pour cela, il est nécessaire de poser un regard critique et d’apporter aux data une lecture et une intelligence humaine, pour construire une vision... et une bonne stratégie.

 Guillaume Cloux, Senior Strategist chez Vanksen

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