Trust Barometer Edelman : les Français rejettent les institutions mais font confiance en leur employeur
Les Gilets jaunes ont aggravé une situation de confiance déjà fragile, mais ont accentué le désir d'agir des Français. Dans ce contexte, le Trust Barometer Edelman révèle que ces derniers considèrent « mon employeur » comme un acteur de confiance, qui peut leur donner des moyens concrets d'agir.
Alors que médias, entreprises, ONG, et institutions politiques connaissaient un timide regain de confiance de la part des Français sur l’année écoulée, passant de 40 % à 44%, l’épisode des Gilets jaunes a complètement stoppé cette dynamique naissante. En effet, les quatre institutions subissent une baisse de 6 points de confiance depuis le début du mouvement, atterrissant à 38%.
Plus précisément :
- Le gouvernement n’ayant pas réussi à restaurer solidement la confiance avec les Français en 2018 (33 %), le mouvement des Gilets jaunes est venu déprécier cette situation déjà fragile. Seulement moins de 3 Français sur 10 apportent leur confiance au gouvernement en 2019, tombant à 29%.
- Les médias sur l’année 2018 tirent les bénéfices de toutes les actions engagées pour lutter face au phénomène des « fake news », gagnant ainsi 3 points de confiance (36%). Mais le traitement médiatique du mouvement des Gilets jaunes perçu comme partiel par ces derniers a porté un coup sévère dans la confiance accordé aux médias. En deux mois, ils ont perdu 5 points de confiance pour atteindre 31%, soit inférieur au niveau de départ il y a an.
- Les ONG, foyer historique de la confiance, passent pour la deuxième fois de leur histoire en zone de défiance, avec un niveau historiquement bas, 48%. C’est la baisse la plus forte, une chute de 8 points, alors qu’avant le début du mouvement, les ONG étaient à 56 % de confiance. Cette institution souffre plus généralement de perte d’influence des corps intermédiaires dans la société (syndicats, associations, etc.).
- Les entreprises étaient en 2018 sur une excellente dynamique et atteignaient 50 % de confiance avant le début du mouvement, soit une hausse de 7 points en un an. Ce pic se justifiait notamment par l’engagement accru de celles-ci sur les sujets sociétaux, le mouvement des Gilets jaunes semble sanctionner pourtant l’absence de leur implication visible dans la résolution de la crise (les annonces de certaines entreprises ont pu paraitre dérisoires face à l’ampleur de la colère). Elles perdent donc les bénéfices de leurs engagements pour ne se retrouver qu’à 45% de confiance, soit 5 points de moins.
En matière de confiance, les femmes décrochent... d’autant plus après les Gilets jaunes
Il est intéressant de noter que le décalage entre la confiance accordée par les femmes et les hommes est structurel et visible au niveau de la moyenne des pays interrogés, mais c’est en France que cet écart est parmi les plus forts. En effet, dans le monde, cet écart est de 5 points ; en France, il est de 7 points. Plus notable encore, cet écart s’est aggravé après le mouvement des Gilets jaunes, en montant à 13 points, ce qui en fait l’un des plus importants au monde.
D’une manière générale, l’écart de confiance le plus important entre les hommes et les femmes avant les Gilets jaunes concernait les entreprises (10 points d’écart), les hommes sont relativement « neutres » dans leur perception, alors que les femmes sont clairement en défiance (45% seulement de confiance). Après les Gilets jaunes, l’écart le plus fort concerne à présent le gouvernement (17 points), mais l’écart de confiance sur les entreprises continue à s’accroitre (12 points).
L’explication est peut-être à chercher dans l’existence du plafond de verre, les femmes n’ayant pas le même niveau de confiance dans les entreprises pour leur propre situation.
Les Français ont envie d’agir pour changer la société
Dans ce contexte global de défiance accrue, les Français émettent un désir de changement et d’action. Selon le Trust Barometer Edelman, les Français atteignent un niveau de pessimisme record (deuxième pays le plus pessimiste dans le monde à hauteur de 79%, contre 51% en moyenne sur les 27 pays interrogés). Et surtout, une proportion incroyablement élevée de personnes considérant que le « système » joue contre eux (avec seulement 8% qui considèrent que le système fonctionne pour eux).
Néanmoins, face à ce pessimisme ambiant et au décrochage global de la confiance, il émerge un désir d’action se manifestant par une posture proactive du grand public, notamment vis-à-vis de l’information.
Face au phénomène des « fake news » et d’infobésité, il est apparu indispensable aux Français de choisir la manière dont ils voulaient s’informer ; c’est pourquoi entre 2018 et 2019, la consommation des médias a augmenté de 23 points, soit près de 2/3 des français (63%), qui consomment voire partagent de l’information auprès de leurs pairs.
« Les Français, connus pour être plutôt pessimistes culturellement, ont pour autant toujours été des volontaires pour changer la société française, et, de facto, modifier leurs conditions de vies. Mais aujourd’hui ce besoin de transformation sociétale est marqué par la perte de confiance envers les principaux repères de confiance et piliers démocratiques. Il y a ainsi beaucoup d’incertitudes et les individus ont besoin de voir les preuves concrètes de la confiance qu’ils peuvent encore accorder aux institutions, analyse Marion Darrieutort, CEO Elan Edelman. Un exemple significatif est celui du rôle moteur qu’ont les chefs d’entreprises : 80 % des citoyens considèrent que c’est aux CEO d’être à l’initiative des mouvements sociétaux sans attendre l’action du gouvernement, soit une hausse exceptionnellement forte de 21 points en un an. Les entreprises doivent, elles aussi, apporter une réponse aux attentes des Français. »
« Mon employeur » semble faire l’unanimité parmi les Français, incluant ceux qui ont perdu foi dans le système ; ils sont 61% à faire confiance à leurs employeurs, un chiffre en ligne avec celui de la population générale (66%). Ainsi, la figure de « mon employeur » se distingue par sa faculté à convenir à la plus grande majorité des citoyens français.
En France, la peur liée à la perte de son emploi dans les années à venir reste très présente, près de 3 employés sur 5 ont peur que cela arrive par manque de qualifications ou de compétences, et plus de 5 employés sur 10 ont peur que cela arrive à cause de l’automatisation ou une autre innovation.
Dans ce climat d’incertitude, les employés voient en leur employeur une source d’information crédible sur les questions générales liées à l’économie (60%), sur les questions sociales qui font débat (52%), et sur la technologie (48%).
Par conséquent, le partage de valeurs, l’impact sur la société et l’inclusion constituent les principaux « drivers » de la confiance envers son employeur. De ce fait, les Français sont aujourd’hui plus exigeants dans le choix de ce nouveau partenaire, une large majorité d’entre eux (66%) choisiront un employeur qui a une raison d’être et qui offre des emplois ayant un impact positif sur la société, mais aussi un employeur avec une culture inclusive, qui implique et qui donne la parole à ses employés pour les décisions importantes (68%). Et naturellement, les employés cherchent un employeur qui leur offre des conditions économiques intéressantes et un plan de carrière (77%).
Tout cela contribue à une atmosphère de confiance qui influe très favorablement sur la longévité de la relation des employés, sur la recommandation de son employeur à des tiers ainsi que sur l’implication et l’engagement des employés. Le Trust Barometer Edelman constate des écarts qui avoisinent les 30 points sur ces dimensions entre ceux qui ont confiance en leurs employeurs et ceux qui n’ont pas confiance.
* Le Baromètre de confiance Edelman 2019 constitue la 19ème enquête annuelle de l’agence sur la confiance dans les institutions majeures. Elle est administrée en ligne auprès d’un échantillon global de plus de 33 000 répondants à travers 27 pays dans le monde. Dans chaque pays, 1 150 répondants appartenant à la population générale et âgés de 18 ans et plus sont interrogés. En plus de la population générale, le Baromètre de la confiance Edelman intègre 500 répondants considérés comme un « public averti » aux États-Unis et en Chine, et 200 de ce même public averti dans tous les autres pays. Les conditions à remplir pour appartenir au « public averti » sont les suivantes : tranche d’âge 25-64 ans, études supérieures, revenus par foyer dans le quartile supérieur par âge et dans chaque pays, et déclarant une forte consommation média (presse et médias économiques/ d’actualité et suivi de l’actualité politique au moins plusieurs fois par semaine). La vague 2019 a été réalisée entre le 19 octobre et le 16 Novembre 2018. Afin de mesurer l’éventuel impact des Gilets jaunes, Edelman a lancé une enquête supplémentaire en France, entre le 15 et le 21 Janvier 2019, auprès de 1 011 individus appartenant à la population générale et 250 individus parmi un « public averti ».