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To tweet or not to tweet : les entreprises doivent-elles laisser gazouiller leur CEO ?

Tribune d'expert / 10 mars 2016

Le 18 février 2016, Sundar Pichai, patron de Google, a fait plusieurs tweets pour soutenir publiquement la position de Tim Cook en faveur du cryptage des téléphones, face au FBI. Comme eux, les dirigeants d’entreprise sont de plus en plus nombreux à être présents sur les réseaux sociaux : selon une étude Weber Shandwick, la proportion de ces « social CEOs » a même doublé sur les cinq dernières années. Mais rares sont ceux qui les utilisent pour partager autre chose que des messages corporate ou parler de leurs actions à la tête de la société. Pourtant l’usage du web social représente bien d’autres opportunités. Comment les saisir et quelles questions sont posées par cette transformation de l’image publique du chef d’entreprise ? Par Sophie Noël, co-fondatrice de l’agence heaven.

Incarner la marque et ses valeurs

Pour un chef d’entreprise, les réseaux sociaux sont d’abord une chance de faire entrer sa marque dans les conversations, de manière incarnée. C’est ce que fait par exemple Elon Musk (patron de Tesla) lorsqu’il partage des contenus exclusifs en lien avec l’activité de ses entreprises accompagnés d’impressions personnelles. Cette incarnation de la marque augmente sa proximité vis-à-vis des internautes et ainsi sa présence à l’esprit. Il est cependant nécessaire que, dans ses prises de parole, le social CEO fasse siennes les valeurs de son entreprise et que son action ait ainsi valeur d’exemple face à tous les publics, journalistes, consommateurs comme salariés.

Un nouveau relai pour la stratégie globale de l’entreprise

L’exercice de transparence que représente cette action est également apprécié des actionnaires et peut ainsi devenir une part intégrante d’une stratégie de valorisation boursière. Les exemples de tweets ayant fortement influé sur la valeur d’un titre sont désormais nombreux et représentatifs d’une transformation du rôle du PDG. Son activité sur les réseaux sociaux peut être utilisée comme un élément clé de l’image de la société et ainsi démontrer la capacité qu’a celle-ci de vivre avec son temps et de s’adapter aux évolutions technologiques.

Le dirigeant, beta testeur de la transformation digitale

Alors que l’un des principaux défis pour de nombreuses entreprises est celui de la transformation digitale, il est nécessaire de montrer que cet enjeu est pris en compte et porté au plus haut niveau. Par ailleurs, le chef d’entreprise sera d’autant plus à même de comprendre ces enjeux qu’il en fera l’expérience et pourra par exemple évaluer par lui-même la nécessité d’une communication pensée d’abord pour le social.

Vers de nouvelles formes de media training

Mais cette transformation du rôle du patron pose de nombreuses questions qui doivent être anticipées par les marques. Parmi les grands patrons actuels, très peu maîtrisent les codes des réseaux sociaux, leurs différences de ton et leurs usages. En attendant l’arrivée des digital native à la tête de grandes entreprises, celles-ci sont donc confrontées à un besoin de formation. Un besoin comparable au media training traditionnel, et qui tend à s’en rapprocher avec la montée en puissance de la vidéo dans les modes d’interaction sociaux.

Les stratégies de recrutement à l’épreuve du social CEO

Certaines sociétés ont décidé de recruter directement à des postes-clés des personnes familiarisées avec ces enjeux ; c’est ainsi le cas d’une marque anglaise qui, en 2013, a utilisé les réseaux sociaux pour trouver son CEO et mis en place un mode de candidature bien particulier : chaque prétendant devait produire un Vine et un board Pinterest. Mais ces stratégies se heurtent souvent au fait que les digital natives n’ont, pour la plupart, pas encore pu acquérir de compétences de management suffisantes pour ce type de poste. Or gérer des syndicats, maîtriser les codes de la communication financière ou énoncer une stratégie ne s’apprend pas encore en quelques coups de Periscope.

Déléguer en toute transparence

De façon plus pragmatique, se pose également la question du temps consacré aux réseaux sociaux par les chefs d’entreprise. Ceux-ci ont bien souvent un agenda extrêmement chargé et ressentent donc le besoin de déléguer cette tâche. Mais cette délégation ne peut se faire que dans le respect de l’un des principaux codes des réseaux sociaux : la transparence. Il sera ainsi de bon ton pour le dirigeant de signer avec ses initiales les tweets qu’il rédige lui-même.

Stratégie corporate ou stratégie personnelle ?

Le CEO n’est pas toujours, comme Elon Musk, le fondateur ou l’actionnaire principal de l’entreprise. La communication sociale pose alors la question de la possible distinction entre vie publique et vie privée, entre image de l’entreprise et image du CEO, entre réputation de l’entreprise et réputation personnelle. En effet quand un CEO maîtrise les codes et les pratiques de la communication sociale, à quel point ne laisse-t-il pas surtout, via ses posts et autres tweets, une trace en son nom ?

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