Marketing d’influence ou marketing du fake?
Les données de votre entreprise vous l’indiquaient déjà et les preuves s’accumulent. Au mieux il n’existe pas de preuve que le marketing d’influence apporte des résultats, au pire il produit un énorme bruit de succion dans votre budget. Dans tous les cas le marketing d’influence démontre à nouveau la médiocrité du marketing digital au sein de la majorité des entreprises. Par Jean-Paul Crenn, fondateur de VUCA Strategy, cabinet conseil en e-commerce et transformation digitale.
Une histoire de taille et de prix
Quand on essaye de connaître la taille du marché du marketing d’influence, on a déjà le sentiment d’être revenu au temps de l’Internet sauvage des années 90 : il est évalué entre 5 et 10 Mds $.
Bel écart d’évaluation n’est-ce pas ? Mais ce manque de clarté n’effraye pas les équipes du marketing digital, tout au contraire ! Avec cette « peur de rater quelque chose » (le fameux Fomo – fear of missing out) les marketers investissent encore plus sur ce canal bien incertain. Le budget marketing consacré aux influenceurs devrait croître d’environ 30% l’année prochaine.
Juste pour vous donner un ordre d’idée, le coût d’un post par une « célébrité » sur Instagram (suivie par plusieurs millions de followers) se situe entre 15 000 et 500 000 €. Il se monte entre 1 500 et 10 000 € pour un influenceur de niveau « moyen », toujours sur Instagram, pour 50 - 500 000 followers.
Pourtant, il y a quelque chose de pourri au royaume des influenceurs.
Les faux followers, c’est donné !
Vu les sommes en jeu il n’y a rien de surprenant à ce qu’il y ait des « entités » qui donnent des coups de pouce aux métriques dans le digital. C’est tellement tentant, facile et finalement peu risqué. Et qui plus est, vraiment pas cher ! Le coût pour 1 000 faux followers sur You Tube est de 45€, sur Facebook de 30€ et sur Instagram de... 12€ ! Il est intéressant de noter que le phénomène des influenceurs a été propulsé par Instagram et que c’est là que se trouvent les faux followers les moins chers. Juste une petite opération arithmétique. Pour devenir un influenceur de niveau « moyen », il nous suffit donc d’investir 600€ pour récolter au moins 1 500€ par post. Et quand on est déjà à ce niveau « moyen » il suffit de booster son nombre de followers en investissant 1 000€ pour multiplier ses revenus par plus de 3...
Quand les métriques d’engagement virent au rouge
Les métriques utilisées pour valider l’engagement des audiences des influenceurs décroissent à une vitesse vertigineuse.
Si l’on prend le nombre de Likes par rapport au nombre de followers pour l’évaluer (et il s’agit sans conteste de la meilleure façon de le faire, au grand dam de bien des CMO qui ne jurent que par des métriques composites et donc inutiles) on se rend compte que le taux d’engagement des audiences baisse fortement d’une année sur l’autre. Les baisses sont de l’ordre de 30 à 60%, quel que soit le secteur d’activité (beauté, mode, alimentaire, voyage...).
Ce déclin du taux d’engagement sur les contenus promotionnés par les influenceurs est simple à comprendre : l’audience finit par se rendre compte que leur influenceur favori arrive soudain avec ce super shampoing parce qu’il a été payé pour le faire. Et ça, c’est bon ni pour la marque, ni pour l’influenceur. En outre, pour accroître leurs revenus, les algorithmes des réseaux sociaux réduisent de plus en plus la portée organique des audiences des influenceurs. Le million de followers se transforme en une audience de 20 000.
Et puis il y a le phénomène des faux followers, en plein essor, qui participe encore plus à cette baisse des métriques d’engagement. Parmi les principaux investisseurs en marketing d’influence, les taux de faux followers sur Instagram sont estimés à 39% pour L’Occitane, 32% pour Pampers ou à... 78% pour Ritz-Carlton.
Il y a bien un moment où le devoir d’exigence doit se trouver du côté de l’annonceur, y compris dans le digital.