Les dirigeants en marketing et communication à l’épreuve de l’IA : entre promesses et inquiétudes
L’intelligence artificielle s’est installée dans nos métiers et la majorité des professionnels du marketing et de la communication en France l’utilise déjà. S’ils expriment leur enthousiasme pour le potentiel qu’offre cette technologie, ils partagent également leurs préoccupations sur les enjeux auxquels ils vont être confrontés dans une enquête* menée par Omnicom PR Group à l’été 2023 auprès de 200 décideurs seniors travaillant dans le secteur de la communication, des relations publics et du marketing au sein de grandes entreprises.
Des décideurs qui ont déjà adopté l’IA et la BPA
73 % des décideurs en marketing et communication en France utilisent des outils de BPA (automatisation des processus) ou d’IA générative en raison, notamment de la facilité de prise en main mais aussi de l’appétence naturelle de leurs entreprises et de leur profession pour l’innovation.
Ils invoquent un gain de temps pour la gestion, l’établissement de relations et la réflexion stratégique pour 79 % d’entre eux ; 73 % l’utilisant pour détecter de nouvelles opportunités et 72 % pour une meilleure utilisation des ressources.
85 % des professionnels du marketing et de la communication qui utilisent l’IA et la BPA le font sur une base quotidienne ou hebdomadaire et estiment que ces technologies ont fait progresser leur profession. Le secteur de la fabrication se place en tête avec 88 % des sondés indiquant que l’IA et la BPA facilitent leurs missions. Seuls 10 % pensent que ces technologies ont rendu leur rôle plus difficile, en particulier dans la grande consommation, le secteur le moins exposé et préparé à l’IA avec seulement 31 % des décideurs y ayant recours.
On peut observer que ces outils sont principalement utilisés pour analyser et optimiser les processus et les ressources mais ils le sont très peu pour des applications créatives. Cela est étonnant étant donné que ces technologies ont d’abord été présentées comme révolutionnaires dans la création d’images, de textes, et de contenus multimédias. Une courte majorité (51 %) des décideurs en marketing et communication ont pris conscience des « pièges éthiques » liés à l’utilisation de ces technologies ce qui pourrait expliquer la non-adoption de ces outils dans le cadre de leurs activités créatives.
Une maturité très inégale selon les secteurs
Pour autant, leur niveau de maturité et de compréhension des outils d’intelligence artificiels varie considérablement : seulement 39 % des répondants affirment avoir une très bonne connaissance de l’IA et de la BPA. Les décideurs en marketing et communication issus des secteurs des services financiers et de la fabrication sont surreprésentés parmi ceux qui déclarent ne pas bien connaître ces technologies avec un quart des sondés affirmant ne pas les maîtriser.
En revanche, les décideurs du secteur de l’automobile déclarent intégrer des technologies d’IA depuis longtemps. Cette disparité dans le niveau de maturité peut s’expliquer par les spécificités de chaque secteur, l’industrie automobile travaillant avec des technologies d’intelligence artificielle depuis les années 1980, conduisant aux premiers concepts de voitures autonomes dans les années 2010.
Pour pallier ce manque de connaissance, 56 % des décideurs en marketing et communication expriment un besoin de formations dispensées par des prestataires externes tels que des services IT ou des agences de communication spécialisées dans les nouvelles technologies. Cette demande d’information est d’autant plus pressante que 65 % des personnes interrogées ne disposent d’aucun support de formation pour l’utilisation de ces outils, et 64 % n’ont aucune politique ou directive établie sur le sujet.
Des émotions ambivalentes qui oscillent entre engouement et inquiétudes...
La perspective du déploiement de l’IA et de la BPA dans les domaines du marketing, des RP et de la communication suscite toute une gamme d’émotions, tant positives que négatives. En effet, 96 % des personnes interrogées évoquent au moins une émotion positive tandis que 82 % en mentionnent au moins une négative.
Parmi les émotions positives les plus fréquemment évoquées par les décideurs on retrouve l'enthousiasme (48 %), la curiosité (42 %) et l’optimisme (25 %). Ces résultats suggèrent que l’IA et la BPA sont perçues comme des outils ayant le potentiel d’améliorer les industries et le secteur du marketing, des RP et de la communication. Il est intéressant de noter que le secteur de la santé affiche le taux d’enthousiasme le plus élevé (56 %) et le taux d’inquiétude le plus bas (26 %), reflétant ainsi un optimisme croissant quant à la possibilité de faire progresser la médecine grâce à ces technologies.
Cependant, lorsque l’on prend en compte l’impact plus général de ces outils au sein de leur industrie, les répondants font état d’une prédominance d’émotions négatives. 41 % des décideurs font état d’un manque d’information, 40 % de confusion due en partie à une couverture médiatique souvent pessimiste et donc d’inquiétude pour 36 %. Cette inquiétude est par ailleurs alimentée par les problèmes liés à l’éthique plutôt que les opportunités de se former à l’utilisation de ces nouveaux outils.
En résumé, les répondants partagent le sentiment qu’il est plus difficile d'avoir confiance en des outils qui restent largement méconnus, étant à la fois présentés comme révolutionnaires mais également potentiellement dangereux. Par conséquent, il n’est pas étonnant que 0 % des participants se disent « en confiance » vis-à-vis de l’IA.
Avec des bouleversements pressentis dans les industries et les métiers de la communication
72 % des sondés déclarent que l’adoption de ces technologies entraînera des changements significatifs dans leur rôle ou leur fonction.
En ce qui concerne les effectifs, 83 % des sondés prévoient des modifications au sein de leurs équipes que ce soit par la création de nouveaux postes ou la redistribution des emplois. Un chiffre qui s’envole à 93 % dans le secteur de la santé et à 92 % dans celui de la Tech.
Plus de la moitié des décideurs (59 %) envisagent d’embaucher du personnel spécialisé dans l’IA ou la data pour renforcer leurs services. En outre, 78 % d’entre eux estiment que l’adoption plus large des technologies liées d’IA et de la BPA entraînera une réduction des budgets de leur service. Cette anticipation de réduction budgétaire dépasse même les avantages attendus tels que la démocratisation des études de marché (68 %), et même l’amélioration de la productivité (74 %).
Pour conclure, il est intéressant de noter que 83 % des professionnels du marketing et de la communication interrogés sont convaincus que l’IA et la BPA auront un impact sur la réputation de leur entreprise. Cet impact se manifeste au niveau de la cybersécurité (47%), de l’afflux de contenus tels que les « fake news » ou « fake reviews » (44 %) ainsi que des risques opérationnels (43 %). Plus révélateur peut-être, 62 % des sondés qui n’utilisent pas encore ces technologies de BPA et d’IA le justifient par la simple crainte des risques réputationnels pour l’entreprise. Ce chiffre est deux fois plus élevé que le nombre de personnes qui justifient leur non-utilisation en raison de préoccupations liées à la protection des données.
« La question de l’impact de l’IA suscite un débat animé, oscillant entre la peur d’un « grand remplacement » par l’IA et l’interrogation sur la capacité de ces robots à véritablement supplanter l’humain, commente Sandrine Cormary, directrice générale d’Omnicom PR Group. Pour les professionnels de l’information, les IA génératives sont déjà une réalité et leur utilisation sans contrôle ouvre la porte à une désinformation bientôt infinie. Qu’en est-il réellement pour nos métiers de la communication et du marketing ? C’est précisément l’objet de ce rapport : dresser un état des lieux de la perception des technologies liées à l’IA afin d’identifier les poly-crises et poly-opportunités de demain ».
*Enquête menée par True Global Intelligence, le pôle Recherche & Analyse d’Omnicom PR Group en partenariat avec Vitreous World, du 27 juin au 11 juillet 2023 auprès de 200 décideurs travaillant dans des entreprises de plus de 200 salariés. Des quotas ont été mis en place pour garantir un échantillon représentatif de décideurs dans chacun des secteurs suivants : Automobile, Services financiers, Energie, FMCG, Santé, Industrie, Technologie. Les participants ont également été recensés en fonction de leur âge, de la structure de leur entreprise et du temps passé dans leur fonction actuelle.