Le prix de la croissance : dans un contexte inflationniste, comment les Français envisagent de réorienter leurs choix de consommation ?
Selon Kantar, 18 mois après le début de la pandémie, les allégements des restrictions ont entrainé une forte reprise économique synonyme également du retour de l’inflation. Le contexte économique français de hausse des prix sur de nombreux postes de dépenses, conjugué avec l’élection présidentielle ont propulsé le pouvoir d’achat au cœur des préoccupations des Français (pour 83% d’entre eux) en trio de tête avec la santé (88%) et l’écologie (80%). La crise ukrainienne actuelle devrait renforcer encore un peu plus ce sentiment (envolée des cours du blé, crise énergétique...) dans les mois à venir.
Si la valorisation des achats de produits de grande consommation est restée très forte en 2021 grâce à un contexte déflationniste depuis de nombreuses années, il ne devrait pas en être de même en 2022. En effet, selon le gouvernement, une augmentation des prix des produits alimentaires de l’ordre de 3% est à attendre. Elle sera visible pleinement dans les rayons des magasins après les négociations commerciales, soit à partir du 2nd trimestre 2022, une première depuis 8 ans.
Lydia Rabine, experte grande consommation chez Kantar Worldpanel France, s’est penchée sur les intentions des consommateurs dans les mois à venir pour pallier cette inflation des prix des produits alimentaires en décryptant les résultats d’une enquête menée auprès de 13 000 foyers.
Comment les Français envisagent de réorienter leurs choix de consommation à l’aune de l’inflation ?
Cette enquête nous montre que c’est le poste alimentaire qui risque de subir les plus forts arbitrages. En effet, en tête des solutions les plus intentionnées par les foyers Français, l’on retrouve :
- 46% envisagent de réduire le gaspillage alimentaire : une solution jugée pratique, économique et écologique (rayons DLC courtes, paniers anti-gaspi, doggy-bag en restauration, applications anti-gaspi, vrac ou encore box à cuisiner)
- 44% souhaitent privilégier le Fait-Maison : une alternative économique bien connue qui avait déjà été privilégiée lors de la crise inflationniste de 2008 (cuisiner oui, mais plus rapidement et varié)
- 38% des Français restent pragmatiques et envisagent d’acheter davantage sous promotion
- Les consommateurs ont également l’intention de se rendre dans les magasins les moins chers près de chez eux. Lidl, Aldi, Leclerc, ITM, U voire Carrefour - qui s’est beaucoup amélioré sur son image prix - devraient avoir le vent en poupe en 2022.
- En revanche, Kantar n’observe pas de volonté marquée de s’orienter vers les Marques De Distributeurs. Les Marques nationales bénéficient d’un capital confiance en hausse (58,9% des Français disent faire confiance aux grandes marques soit +2,5 pts vs 2020) et d’un positionnement prix favorable à date (promotion et moins d’inflation à date).
Côté non alimentaire, les Français souhaitent avant tout faire attention à leur consommation énergétique (3ème solution citée) puis envisagent de réduire leurs dépenses en restauration (31% d’entre eux, 7ème position) ainsi que de vêtements (30% d’entre eux, 8ème position). Les Français semblent, en revanche, moins enclins à réduire l’utilisation de leur voiture malgré les hausses de prix du carburant largement médiatisées (seulement 27% des Français l’envisagent).
Risque de déclassement pour une partie de la population et arbitrage plus drastique
Selon Lydia Rabine, «Si cette étude montre que les leviers envisagés par les consommateurs sont sensiblement différents de ceux de 2008 et illustrent bien l’avènement d’un nouveau modèle de consommation, il ne faut pas occulter un risque sérieux de fragilisation et de déclassement d’une certaine partie de la population. »
En effet, 32% des foyers se sentent Vulnérables dans le contexte à venir selon l’étude Kantar Shopper Pysches soit deux fois plus de foyers fragiles que la définition classique mesurée par l’INSEE (15% de foyers modestes).
Une catégorie d’acheteurs (modeste et familiale) qui envisage des solutions plus drastiques en réduisant la voilure sur de nombreux postes et en baissant en gamme. Ainsi les catégories ne devraient pas toutes réagir de la même manière. Les catégories « essentielles » (lait, crème, œuf, farines...) ont des risques de baisser en gamme plus forts (transferts des achats vers les MDD, premiers prix, Discount, la promotion...), quand les catégories « conforts » (Hygiène-Beauté, eaux, alcools...) ont un risque plus marqué de déconsommation.
Source : questionnaire LinkQ sur les préoccupations des ménages Français et leurs intentions dans les mois à venir – terrain décembre 2021 – 12 768 foyers représentatifs de la population française répondants