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La marque, victime de la démarque ?

Tribune d'expert / 15 janvier 2018

Si certains en doutaient, les trois dernières semaines ont dissipé tout questionnement. Oui, la distribution a créé de nouveaux rendez-vous avec le consommateur. Finie la dépendance unique aux fêtes religieuses ou populaires. Les 11, 24 et 27 novembre sont devenus les nouveaux jours saints du calendrier commercial. Trois jours durant lesquels l’expérience, nouveau pilier de la marque, est singulièrement ébranlée.

Pour tirer leur épingle d’un jeu où les participants ne manquent pas, les marques prennent – bon gré, mal gré – le virage de l’expérience. Elles formalisent une promesse et s’engagent à la tenir dans le but de créer des souvenirs mémorables. Comme l’explique Michaël Flacandji, docteur en sciences économiques, « pour faire en sorte que les souvenirs perdurent dans l’esprit des consommateurs et influencent durablement la relation à la marque, il faut amener les clients à vivre des expériences de souvenirs ». Ce primat de l’expérience vient de loin. Il plonge ses racines dans des travaux réalisés il y a près de vingt ans par deux économistes américains.

“Welcome to the experience economy”

Le numéro de juillet-août 1998 de la Harvard Business Review mettait à l’honneur un dossier intitulé « Welcome to the Experience Economy ». Dans cette monographie, Joseph Pine et James Gilmore décrivaient et anticipaient avec justesse les visages successifs de la valeur économique. Après les produits agricoles, banalisés par la révolution industrielle, la production de biens, prosaïsée par la primauté du prix, et le service, ringardisé par la guerre des prix, l’expérience deviendrait LE nouveau facteur différenciant. Une anticipation validée par les baromètres contemporains.

Tous les ans, l’institut de sondage YouGov publie le classement BrandIndex. Une évaluation des marques préférées des Français. Cette année, les trois premières places étaient trustées par Decathlon, suivi de YouTube et Samsung. Trois marques réputées pour leur capacité à tenir leur promesse. Celle de l’innovation à portée de main pour Samsung (« Turn on tomorrow »), de l’encapacitation pour YouTube (« Broadcast yourself ») ou du bien-être pour Decathlon (« A fond la forme »). Et même lorsque celle-ci n’est pas tenue, comme dans le cas du Galaxy Note 7, contrition et réparation tiennent lieu d’expérience.

La résurrection de la guerre des prix au détriment de la marque et de l’expérience

Toutefois, le mois dernier, le secteur a été rattrapé par son passé. Le prix est revenu en première ligne reléguant l’expérience aux coulisses. Le Black Friday et le Cyber Monday ont été remportés haut la main par Amazon. Au lendemain du Black Friday, le site français du distributeur parlait même du « jour le plus intense de toute l’histoire ». Et pour cause, le 24 novembre, Amazon France a enregistré plus de 2 millions d’unités commandées durant la journée et les commandes se sont succédées à un rythme moyen de 1 400 unités par minute.

De l’autre côté de la planète, Alibaba a totalisé plus de 21 milliards de dollars de chiffre d’affaires lors du jour des célibataires.

Si certains ont vu dans ces jours spéciaux, une application de la « rareté » – un des six principes d’influence théorisés par Robert Cialdini – il est surtout difficile de ne pas y voir une célébration de la remise et du petit prix. Entre le jour des célibataires et le Cyber Monday, la marque et l’expérience de celle-ci ont été évincées par le prix et le distributeur.

Les esprits pragmatiques relativiseront ce recul en soulignant que les produits vendus sont malgré tout ceux de la marque. Certes, mais une marque réduite à une simple griffe au dos ou au bas d’un produit. Pourra-t-elle durablement s’en satisfaire ?

Par Frédéric de Gombert, Président et fondateur d’Akeneo

 

 

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