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La fin des cookies tiers sur Google

Tribune d'expert / 13 décembre 2021

D’ici 2023, le géant américain Google arrêtera le ciblage individuel avec les cookies tiers. Dans un monde de plus en plus connecté, où le temps moyen passé quotidiennement sur Internet est de 3h, une nouvelle révolution digitale est en marche. Une révolution accompagnée de quelques interrogations, notamment sur la question d’un Internet plus éthique et respectueux de nos vie privées et sur l’avenir de la publicité digitale.

Un cookie sur Internet c’est quoi ? 

Concrètement, un cookie n’est pas seulement un délicieux petit biscuit, mais c’est bel et bien un fichier qui se stocke sur votre navigateur lorsque vous visitez un site Internet ou une application. Pas d’inquiétude, c’est légal et ce n’est pas un virus qui va vous faire perdre vos musiques ou vos photos de vacances 2017 à la Rochelle.  Les cookies ont des usages très variés. Toutefois, l’utilité la plus commune de ces derniers est de permettre à un site Internet de conserver bien au chaud vos préférences (nom d’utilisateur, sessions de connexion, historique, etc.).

Mais attention, les cookies natifs et les cookies tiers sont différents. Ces derniers sont intégrés par un site Internet qui n’est pas celui que vous visitez à ce moment précis. Ces cookies ont pour but de suivre votre cheminement sur le web, de déterminer votre comportement. Par exemple, si vous cherchez un nouvel ordinateur sur Internet et que vous regardez plusieurs modèles sans faire d’achat, vous avez probablement eu la surprise de revoir des publicités sur ces mêmes modèles sur un site qui n’a absolument rien à voir.

Sur Internet, une publicité qui est comprise est synonyme de clic. Cette interaction est très souvent convertie ensuite en « lead qualifié ». Pour comprendre l’impact que va avoir cette suppression sur la publicité digitale, il faut savoir que les cookies tiers permettent de faire remonter des offres ciblées.

C’est, entre autres, le travail d’un annonceur publicitaire. Ce dernier va établir des contrats commerciaux avec plusieurs sites pour analyser le comportement des utilisateurs pendant leurs visites et ainsi les suivre. Cela permettra d’acquérir de nouvelles informations et donc de proposer des publicités très orientées.

Après Safari et Firefox, Google rentre dans le rang et va à son tour interdire d’ici 2023 l’utilisation de ces cookies tiers. Pouvons-nous considérer pour autant que cette privation va mettre fin à la publicité ciblée ?

En quoi la fin des cookies tiers va-t-elle impacter la publicité digitale ? 

Si les cookies tiers disparaissent, pas les cookies 1st party. Concrètement, qu’est-ce que ça change ?

Ces derniers sont enfermés dans un unique domaine et ne donnent donc pas la possibilité d’avoir recours au tracking cross-site (suivi de performances en fonction du comportement des utilisateurs) par exemple, même si les médias peuvent toujours s’appuyer sur eux pour modeler leurs segments d’audience. D’un certain point de vue cela peut être intéressant pour les secteurs comme l’automobile ou les banques, afin d’allier data et reach, mais d’un autre côté cela implique des deals ID. À contrario du modèle classique utilisé sur les pages Internet, celui-ci se caractérise par l’utilisation d’un logiciel informatique qui va directement automatiser les processus de transactions, à savoir l’ajustement des prix, la sélection des emplacements publicitaires ou bien encore l’affichage des bannières.

La complexité d’un deal ID risque d’être moins pertinente qu’un achat en open action, consistant à des mises en enchères et négociations sur les éléments énoncés ultérieurement, pour un annonceur. En bref, si le média possède une forte audience, ça lui permet de gagner en autonomie, mais dans le cas contraire cela peut représenter une perte conséquente.

Google en profite pour nous présenter l’avancée de son projet “ Privacy Sandbox” qui promet sécurité pour les utilisateurs et un champ d’action aux annonceurs afin de continuer à promulguer des annonces ciblées.

Ce projet repose sur l’idée de privilégier non pas le ciblage individuel, mais le ciblage de groupe via l’utilisation de cohortes (FLoC, Federated Learning of Cohorts). Ainsi, un navigateur avec FLoC activé, va rassembler des informations sur les habitudes de navigation d’un utilisateur pour l’affecter à une cohorte, un groupe. Google propose qu’un acteur central puisse compter le nombre d’utilisateurs affectés à chaque groupe. Cependant un certain risque se présente, notamment sur qui aura accès à l’identifiant de cohorte d’un utilisateur via javascript. Selon les premiers tests effectués par Google sur ce domaine 256 cohortes ont été identifiées, mais ce nombre peut s’élargir à travers le temps. Plus il y a de cohortes plus elles sont spécifiques. De ce fait, le respect des utilisateurs et de leurs habitudes web, promis en premier temps par l’annulation des cookies tiers, est d’autant plus mis en danger. L’empreinte digitale d’un navigateur, qui consiste à un rassemblement d’informations basées sur l’utilisation web, peut devenir tout aussi simple à distinguer puisqu’un traqueur sera capable d’analyser votre cohorte FLoc et vous trouver parmi eux.

Par ailleurs, ce programme étudie aussi la création d’audience sans le recours aux cookies tiers. De ce fait, Google propose la solution FLEDGE qui, avec le temps, va insérer un serveur tiers dans le processus pour emmagasiner des informations sur les enchères et les financements de campagne. Cette solution a comme ambition d’aider les annonceurs à faire du reciblage publicitaire en toute confiance. La suite d’API proposée par Chrome va ainsi permettre un meilleur taux de conversion (comme les premiers tests réalisés en juillet 2020 l’ont démontré), une prévention face à la fraude publicitaire et bien d’autres promesses. Combiné avec l’ID partagé, qui supporte une identification hors web (TV connectée par exemple), cette solution peut sembler être la plus efficace face à la fin des cookies tiers. Cependant l’omniprésence de Google refroidit les annonceurs et donc la mise en place de ce modèle.

Mais la confidentialité de nos données dans tout ça ? 

Le géant Google ne s’arrête pas là et a proposé une solution nommée : Gnatcatcher, avec comme objectif de pouvoir masquer les adresses IP et ainsi protéger l’identité des individus, sans pour autant endommager le fonctionnement habituel du site Internet. Ainsi, les utilisateurs seront protégés des modèles qui tenteront d’identifier une personne.

Sur papier cela annonce un respect de nos données personnelles. Cependant ces méthodes devront faire leurs preuves avec le temps. Beaucoup s’interrogent notamment sur l’utilisation de FLoc qui ne protège pas dans sa totalité l’individu.

Cette annonce de suppression des cookies tiers laisse en conséquence tout le monde un peu dans le flou. De nombreuses solutions ont été annoncées, mais ne semblent pas tenir totalement leurs promesses. La période de transition, sur un modèle établi depuis longtemps, peut prendre du temps. À voir ce que Google va réellement mettre en place d’ici 2023… Rendez-vous dans un an !

Par Victor Schmite, UX designer chez Disko

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