IA : vers des RP « augmentées » ?
Les professionnels des relations presse craindraient l’intelligence artificielle ? À l’image des réactions lors du lancement de plateformes de fichiers de journalistes à la fin des années 90, selon lesquelles la force d’un attaché de presse se mesure à la taille de son carnet d’adresses, certains RP voient l’avènement de l’IA générative comme une atteinte à leur valeur. On en est loin, et même au contraire elles peuvent les « augmenter ».
Faut-il craindre l’IA dans le domaine des relations presse ? Probablement non, du fait notamment du nécessaire lien personnel avec les journalistes et les médias.
Néanmoins, des questions se posent. Pour les contenus, d’abord, sur lesquels les RP doivent s’appuyer (communiqués, dossiers, témoignages, avis d’experts…). Avec l’IA générative, comme ChatGPT ou Claude 2, il devient possible de faire produire des textes par « la machine ». C’est la crainte de communiqués « pas chers » envoyé de façon mécanique à un fichier de journalistes. On peut s’interroger sur la qualité, avec un risque de textes génériques et non différenciants, mais c’est possible, avec le risque d’une dévalorisation du métier.
Des questions aussi sur les plateformes de RP automatisées. L’IA pourrait faire naître une nouvelle famille de plateformes RP lowcost où tout ou presque est passé au crible des algorithmes. De tels outils proposent déjà d’identifier des journalistes cibles et de diffuser des communiqués à (très) bas prix. Avec l’accessibilité grandissante des IA génératives, ces plateformes pourraient ajouter la fonctionnalité « rédaction de communiqué », tirant ainsi le marché vers le bas aussi bien en termes de prix que de qualité.
Quant aux grandes agences de publicité et de marketing relationnel, elles pourraient intégrer l’IA de manière très structurée au sein de leur éventail d’offres de communication et vendre des packages intégrant les RP dans une offre globale de communication.
Maitriser l’IA pour en tirer de la valeur
Les relations presse ont donc tout intérêt à s’engager sur le chemin de l’IA pour mieux la maîtriser et en tirer de la valeur.
Première piste : exploiter l’IA pour fournir directement à certains médias de flux une matière facile à retraiter. Il convient de mieux comprendre comment les journalistes sont susceptibles de traiter communiqués et dossiers de presse afin de lui servir un communiqué facilement exploitable. On ne parle pas ici d’enquêtes, de dossiers ou d’articles journalistiques à valeur ajoutée incluant des entretiens, recherches et analyses poussées, mais plutôt de « fils » plus ou moins massifs alimentés par les communiqués.
Quelques minutes suffisent en effet à une IA générative pour analyser un PDF et en tirer la substantifique moelle. Le résultat obtenu en terme rédactionnel n’est pas forcément verbeux et très éloigné du style et du ton du média. Tout est dans le fameux prompt (rappelons qu’il s’agit d’un texte rédigé pour l'intelligence artificielle pour atteindre un résultat attendu). Il doit être court et précis et implique d'avoir des connaissances dans le domaine sur lequel nous souhaitons effectuer des recherches. Un simple « Écrire un texte de 700 mots, composé de 4 paragraphes équilibrés à partir de ce PDF avec un style journalistique à la manière de Les Échos, Le Monde ou 20 minutes » permettra d’obtenir une première ébauche, retravaillée avec quelques prompts d’ajustements sur telle ou telle partie.
Des chargés de relations presse « augmentés »
Certes on est encore loin d’imaginer des ingénieurs prompts dans les agences mais les attachés de presse ont déjà à tirer parti des capacités offertes par l’IA.
Parmi les missions, il y a l’identification des expertises des clients et leur mise en rapport avec les centres d’intérêt de journalistes, la création de documents presse percutants et parfaitement ciblés en fonction des attentes des journalistes. Les IA génératives vont y aider….Un exemple, la personnalisation. La règle idéale des relations presse étant que l’on adresse à chaque journaliste une information particulièrement anglée en fonction de ce qu’il est, de ses intérêts, de son média, des attentes de son audience… l’IA permettra de personnaliser le travail en créant de façon rapide et avec une ingénierie de ciblage pas très compliqué des communiqués adaptés à tel ou tel support.
Bien sûr, l’IA générative ne va pas prendre le téléphone à la place du RP ni prendre un café avec le client. Mais, avec le bon prompt, elle va aussi pouvoir donner par avance les arguments ciblés et taillés sur mesure pour optimiser l’échange.
Au cours de leur histoire, les RP ont toujours su s’adapter et s’approprier les nouveaux outils pour une performance toujours accrue. L’IA offre une opportunité d’optimiser le temps de travail et de tirer le meilleur profit de son expérience et de sa connaissance des médias et des journalistes, au détriment des tâches nécessitant peu de valeur ajoutée. Pour, peut-être, aller vers des RP « augmentées »…
Par Augustin Garcia, ingénieur prompt chez Blitzzz Media, et Bruno Sanvoisin, vice-président du Synap (syndicat national des attachés de presse et des chargés de RP)