Comment la technologie « augmente » et fait évoluer les métiers à forte valeur ajoutée
Les technologies innovantes deviennent des outils professionnels à part entière. Ils augmentent les capacités physiques et cognitives des travailleurs, dans les bureaux et sur le terrain, pour leur permettre de se dépasser, soit par un gain d’efficacité, soit par l’apparition de capacités nouvelles. Par Eric Dosquet – Chief Innovation Officer Avanade France.
Aujourd’hui, de nombreuses technologies font évoluer les métiers d’une manière inédite : divers logiciels simplifient notre travail quotidien et dopent la productivité. Les exosquelettes facilitent nos efforts, la réalité virtuelle permet d’appréhender des environnements peu familiers, la réalité augmentée – de voir l’invisible, tandis que l’intelligence artificielle prédit, prévient, anticipe. Si la plupart des technologies ont jusqu’ici amélioré le travail des techniciens de terrain en les déchargeant des tâches les plus pénibles, le travail plus intellectuel se prêtait moins à ce type d’évolution. Aujourd’hui, l’augmentation de la puissance du calcul transforme un nombre croissant de métiers en permettant aux travailleurs de déployer leur créativité et de se recentrer sur les tâches à forte valeur ajoutée. Voyons comment les technologies permettent de rationaliser la créativité, le temps et l’énergie dans le milieu industriel.
- Améliorer la conception par l’optimisation topologique et le design génératif
Le design génératif est une méthode de conception qui complète les méthodes classiques de conception assistée par ordinateur (CAO). Il permet d’alléger des pièces, ce qui explique l’intérêt manifesté par les secteurs aéronautique et automobile où le poids est un critère essentiel. Ses algorithmes issus du machine learning génèrent des milliers de formes complexes basées sur le biomimétisme à partir de contraintes techniques et fonctionnelles (taille de la future pièce, matériau, forces et charges qu’elle devra supporter, etc.), ainsi que de propriétés attendues (mécaniques, électromagnétiques, thermiques, acoustiques, aérodynamiques, etc.). Les produits ainsi conçus sont plus économes en énergie et participent à améliorer la performance de l’ensemble.
Couplé aux nouvelles techniques de fabrication, comme l’impression 3D, le design génératif ouvre de nouvelles possibilités. L’exemple industriel le plus connu reste la cloison d’Airbus, 45 % plus légère que sa version classique.
L’optimisation topologique, considérée comme « la petite sœur » du design génératif, permet d’alléger une pièce déjà existante, en enlevant de la matière pour n’en laisser qu’aux endroits où elle est suffisante pour conserver ses propriétés mécaniques. Airbus a ainsi allégé certaines pièces déjà en utilisation.
- Accélérer la conception avec la réalité virtuelle et mixte
La réalité virtuelle permet, à l’étape de la conception, de simuler le futur produit (ou un environnement) pour expérimenter son usage, ou reproduire virtuellement les étapes de l’assemblage pour, si besoin, optimiser le poste de travail de l’opérateur. La réalité mixte permet de repenser les scenarii et les enchaînements d’actions et surtout modifier des paramètres. L’apparente similitude entre les deux réalités est trompeuse, car les usages sont très différents. Ainsi le constructeur automobile Ford utilise la réalité virtuelle au début de la conception : ses concepteurs et ingénieurs peuvent faire le tour du futur véhicule pour bien l’observer de tous les côtés, monter à l’intérieur, se mettre sur un siège, toucher le tableau de bord pour tester la qualité, évaluer les difficultés d’assemblage, ajuster les plans CAO avant de réaliser le prototype physique. A contrario, la réalité mixte est utilisée dans des phases avancées de la conception pour travailler sur les détails. Ainsi, équipés du casque HoloLens ils peuvent projeter des hologrammes 3D sur un véhicule ou prototype physique pour évaluer les matériaux, les couleurs, les difficultés d’exécution, les aspects esthétiques, l’ergonomie, et surtout modifier le design en temps réel.
- Contrôle qualité par la vision machine (computer vision)
L’œil de l’algorithme est supérieur à l’œil humain. La vision par machine (ou computer vision) et l’analyse d’images répondent aux besoins très larges de contrôle qualité, voire de maintenance prédictive de nombreuses industries. Des solutions les intégrant permettent de détecter des écarts invisibles à l’œil nu et ainsi vérifier la conformité aux standards. Les solutions sont généralement composées d’une ou de plusieurs caméras de très haute précision et de logiciel d’analyse d’image utilisant des algorithmes d’intelligence artificielle. Les données sont restituées sous forme de tableaux de bord pour aider la prise de décision en matière de conception ou d’ajustement des process de fabrication (dans une usine), ou encore de maintenance prédictive (dans le cas de l’exploitation). En contrôlant ainsi les défauts et l’usure des rails, la SNCF poursuit deux objectifs : anticiper les pannes pouvant causer des accidents ou la fermeture imprévue de voies et économiser des millions d’euros en maintenances et travaux inutiles.
Il est aujourd’hui vital de comprendre que les nouvelles technologies repoussent les limites de l’imagination, permettent une nouvelle compréhension de nombreuses situations et donc de meilleures prises de décision quel que soit le métier. L’ensemble des changements enclenchés par ces technologies fait enfin converger l’innovation, l’amélioration des conditions de travail et des gains de productivité.