Bic, Blablacar : la conversion des entreprises françaises à l’économie de l’usage
Quel est le point commun entre Bic, le fabricant de rasoirs, et Blablacar, le leader français du covoiturage ? A première vue aucun, si ce n’est une incursion sur le territoire de l’économie émergente. Bic s’est récemment distingué en prenant le virage de l’abonnement pour commercialiser ses rasoirs en ligne. Désormais ses clients pourront – en s’abonnant sur le site biscshaveclub.com – recevoir chaque mois leurs rasoirs à domicile. Comme un magazine. Pour Blablacar, cette irruption a commencé plus tôt et s’est intensifiée il y a quelques jours. La jeune pousse de Frédéric Mazzela a en effet lancé une offre de location longue durée de véhicule à destination des covoitureurs les plus assidus. Deux initiatives parallèles qui interrogent : qu’est-ce qui pousse des acteurs aussi différents à repenser leur business model ?
L’évolution du consommateur, tout simplement. Si celle-ci est globale, son épicentre est avant tout urbain. En dix ans, le quotidien et les aspirations des citadins ont évolué propulsant la tranquillité et la simplicité au rang de Graals. Une étude récente menée par l’institut Opinion Way et Auchan Direct confirmait que durant la dernière décennie le temps consacré aux activités contraintes (travail, tâches ménagères, transports…) a crû tandis que celui dédié à la détente et à l’épanouissement (repos, sport, famille…) a reculé. Pour gagner temps et tranquillité, ce consommateur a donc trouvé refuge dans l’abonnement et la consommation à l’usage. Ce dernier étant un des piliers de l’économie de la fonctionnalité ; également appelée économie de l’usage.
L’économie de la fonctionnalité, taillée sur mesure pour le consommateur urbain
Parfois confondue avec l’économie collaborative – qui est également une composante de l’économie émergente - l’économie de la fonctionnalité remplace la notion de vente du bien par celle de la vente de l’usage du bien. Autre particularité, il fournit les consommables et assure la maintenance permanente des biens ainsi que leur réemploi en fin de cycle.
Comme l’explique Walter Stahel, spécialiste de l’économie de la fonctionnalité, celle-ci « optimise l’usage ou la fonction des biens et services (…) en créant une valeur d’usage la plus élevée possible pendant le plus longtemps possible ».
C’est précisément le positionnement de Blablacar qui propose la location d’un véhicule sur quatre ans accompagné de la garantie, de l’entretien et de l’assistance pour 20 000 kilomètres parcourus par an.
La Nissan Leaf est également une illustration de cette économie : le client achète le véhicule mais loue la batterie électrique en s’acquittant d’un abonnement. En cas de baisse de sa capacité ou de défaillance, celle-ci est remplacée par le constructeur sans frais additionnels.
Dans les deux cas, le consommateur est débarrassé de toutes contraintes liées à la propriété afin de se consacrer pleinement à l’usage de ses produits : Où faire changer ma batterie ? Quel va en être le coût ? Quel est le délai de réparation de mon lave-linge en cas de panne et s’il n’est plus garantie, où trouver un bon réparateur et à quel tarif ?
En réponse aux changements comportementaux qui se dessinent sous nos yeux, l’économie émergente – en général – et celle de la fonctionnalité en particulier vont peu à peu s’imposer comme une réponse stratégique incontournable. L’arrivée de nouveaux acteurs sur ces créneaux l’attestent. En outre, en mettant au cœur de leur offre un bouquet de services plutôt que le produit, l’économie de la fonctionnalité affranchit l’entreprise de la sempiternelle guerre des prix.
Par Frédéric Caymaris-Moulin, Directeur Général de Lokéo