Zooms

Beauté connectée, médias sociaux… et si on devenait tous beaux ?

Tribune d'expert / 19 novembre 2019

Instagram vs. Réalité : se ressembler à soi-même 

Vous êtes-vous déjà regardé dans un miroir connecté ? Vous vous y observez comme dans la caméra selfie de votre smartphone, sans artifice d'abord. Vous y voyez peut-être votre teint un peu blafard et vos traits fatigués, vos pores toujours trop larges ou quelques maudits cheveux blancs. Puis vous laissez l'objet vous analyser – vous diagnostiquer, même – avant de lui demander de vous montrer, miroir oh mon beau miroir, ce qu'il pourrait bien faire pour vous. 

Il vous révèle alors vos possibles, des versions de vous sans imperfection, que vous faites défiler exactement comme vous parcourez les filtres de Snapchat ou d'Instagram. Le résultat est agréable et ne vous est pas étranger, c'est après tout des retouches que vous effectuez déjà avant de vous mettre en scène sur les médias sociaux. Votre complexion s'harmonise et vos cernes disparaissent. Votre sourire est radieux. 

Le programme d'intelligence artificielle qui vous montre ceci fait correspondre à chaque scénario une panoplie de produits, du masque lumineux au make-up naturel en passant par un shampooing professionnel, ainsi que le coaching qui les accompagne. Pour les marques, c'est une aubaine, limite freudienne, doublée d'un coup de génie : elles comblent le fossé entre le moi digital et le moi réel – #nofilter. 

Cette intelligence dans l'accompagnement a vocation à se décliner sur tous les touchpoints du parcours client des produits cosmétiques : en magasin, en salon de coiffure ou d'esthétique, en ligne et, bien-sûr, dans la salle de bain. La beauté connectée, c'est ainsi une proposition de service circulaire qui vous frappe en plein Narcisse puis qui vous suit un peu partout et vous conseille – via l'IA mais aussi via des spécialistes et conseillers – afin de vous permettre de devenir la meilleure version de vous-même.

La même beauté pour tous ?

Platon disait que la beauté est un idéal indéfinissable dont nous pouvons seulement reconnaître les manifestations individuelles.  Cette théorie est primordiale alors que les médias sociaux dévoilent les habitudes esthétiques et les canons de beauté propres à des cultures il y a peu encore technologiquement isolées. 

Tandis que les chinois se jettent sur les produits de cosmétique active français, les français eux s'intéressent aux produits de maquillage coréens, le tout peut-être sous les conseils d'une influenceuse suédoise. Et si les écarts entre ces pays sont importants à la base, il semble que cette mise en commun internationale participe d'une certaine convergence et d'un lissage des routines beauté et des discours marketing les desservant. 

La peur de détonner joue sûrement un rôle dans ce drôle de théâtre où chacun se sent exposé et donc vulnérable. Disons-nous d'une personne ou d'une image qu'elles sont belles car elles nous renvoient à une vérité collective, superficielle et – force est de l'admettre –manipulée ? Ou la beauté est-elle toujours dans l'œil de celui qui regarde, fruit d'un rapport intime et subjectif ? 

Les grands groupes et quelques marques indépendantes ont déjà commencé à se positionner subtilement sur cette dichotomie, sur ce paradoxe entre hyperpersonnalisation et homogénéisation des standards, en nourrissant de technologie l'imaginaire de ce grand rassemblement sans pour autant en délaisser les tropismes sociétaux, culturels et régionaux, afin de conquérir un marché de plusieurs milliards de consommateurs.

Par Pascal Malotti, Directeur Business Development & Strategy, Valtech France

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