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Storytelling : comment valoriser et capitaliser sur le savoir-faire de sa marque ?

Tribune d'expert / 6 juillet 2019

Quel est le point commun entre une étoffe précieuse, une robe de haute-couture et un saxophone de plus de 1000 pièces manufacturées ? Un savoir-faire unique et hérité depuis des décennies.

Le savoir-faire, c’est la valeur sûre. Celle sur laquelle on peut s’appuyer, les yeux fermés, sans mauvaise surprise. Quand on achète un instrument chez Henri Selmer Paris, on sait que l’on ne se trompera pas. La marque est aux instruments à vent ce qu’est Stradivarius aux violons : la référence absolue. C’est la marque préférée des puristes. John Coltrane, Stan Getz ou encore Sidney Bechet ne juraient que par cet instrument d’exception conçu en France, dans l’usine de Mantes-la-Jolie. Le parfait exemple de l’excellence à la française.

Fascinant, n’est-ce-pas ? Et des histoires comme celle-ci, les grandes maisons en regorgent. Ce serait dommage de passer à côté. Surtout si l’on considère que les Français associent le luxe en premier lieu à des produits de qualité (pour 86% d’entre eux).

Encore faut-il le démontrer. Et encore très souvent, les marques, même parmi les plus émérites, peinent à mettre en avant la dimension artisanale de leur process de création et à capitaliser sur leur savoir-faire. Quelques pistes pour valoriser ces trésors existent pourtant..

Se départir de l’approche showroom

Premier réflexe : fermer les portes du showroom pour ouvrir les portes de la maison toute entière. Bien plus que le produit fini uniquement, c’est toute la maison et sa virtuosité qu’il faut mettre en avant. Cette approche mettant en avant le savoir-faire a l’avantage d’être perçue comme plus authentique par le consommateur, moins marketing. Un point qui séduit particulièrement les nouvelles générations.

La marque britannique Colefax and Fowler, créée en dans les années 30, spécialiste du tissu d’ameublement et du papier peint haut-de-gamme, fait la part belle, sur ses réseaux sociaux, aux produits finis. On y retrouve les nouveaux imprimés, des images de mises en situation, le partage des articles de magazines évoquant la marque… Mais jamais on n’y voit un visage, une main ou l’ombre d’un produit en cours de création. Pas plus qu’une bobine de fil ou un croquis. Comme si le colossal travail de création qui donne vie à ces produits terminés n’avait pas existé. C’est se priver d’une belle part de storytelling à forte valeur ajoutée.

Le produit fini est la concrétisation du savoir-faire de la marque mais le savoir-faire ne se résume pas au produit fini.

La marque danoise Kvadrat, née en 1968 et leader du tissu d’ameublement, adopte une toute autre posture. Sur son site comme sur son écosystème social, elle donne la parole à ses designers, montre la création ainsi que la conception de ses produits. On y trouve des vidéos de métiers à tisser tournant à plein régime, ou de collaborateurs s’exprimant sur la conception de la future collection mais également des photos d’éléments d’inspiration, d’échantillons de couleurs… La marque donne le sentiment d’être vivante et créatrice, et se détache complètement du ressenti froid et désincarné que peut provoquer l’approche showroom de nombres de ses concurrents.

Kvadrat, leader de son secteur, propose des contenus mettant en avant l’intégralité du processus de création de ses  produits.

La jeune Misia Paris, marque française du groupe Casamance née en 2014, maîtrise très bien ces codes. Preuve en est qu’il n’est pas indispensable d’avoir un savoir-faire ancestral pour en être fier.

Plongée dans les archives

Si l’histoire de la marque le permet, rien de tel qu’une exploration des archives pour dénicher des pépites de storytelling. Qu’il s’agisse de croquis anciens, de premiers brevets, d’extraits vidéos en noir et blanc, journaux de bord d’époque… Tout se raconte et participe à la construction d’un storytelling efficace autour de l’histoire et du savoir-faire de la marque, deux notions intimement liées et à forte valeur ajoutée.

Kvadrat, bien que récente, s’appuie sur ses archives pour créer du contenu autour de son savoir-faire.

Ces documents participent à incarner l’histoire de la marque et apparaissent comme les marqueurs d’une époque passée. En creux, on y lit les évolutions sociales, les innovations technologiques d’une époque mais aussi l’héritage et l’excellence acquises au fil des années… Ainsi, on participe à créer le mythe, donner du sens et on suscite de l’émotion auprès du consommateur. Une recette particulièrement efficace pour ancrer le message dans son esprit. C’est aussi un excellent moyen de sortir du lot et de se démarquer de la concurrence.

Explorer les formats

Une fois les pépites dénichées, il faut encore les mettre en scène et les diffuser. De la simple story aux accents “behind-the-scene” jusqu’au documentaire fouillé, tout est possible.

Parmi les premiers de la classe en storytelling autour du savoir-faire, on retrouve les grandes maisons de mode comme Chanel ou Hermès, pour ne citer qu’eux.

Storytelling à la Chanel

Sur son site, Chanel se raconte en vidéos, au gré de chapitres, où l’histoire confine au savoir-faire. On y retrouve par exemple : la veste, le Numéro 5… mais également des chapitres faisant davantage écho à l’emblématique fondatrice de la maison et ses valeurs comme “Gabrielle ou la liberté” ou “Deauville”. Les films associés mêlent images d’archives à de plus récentes afin d’offrir un storytelling intemporel. Les profils les plus attachés au modèle traditionnel sauront s’y retrouver, l’histoire de Chanel est également racontée chronologiquement, mais de façon bien plus condensée, sous forme de timeline agrémentée de photos.

Chanel se raconte autrement, sous forme de chapitres thématiques propres à la marque, sur son site internet.

Le documentaire vidéo

Chez Hermès, la marque est fière de son savoir-faire et le met en avant à toutes les sauces : sous forme d’expositions, d’un festival itinérant appelé “Hermès hors des murs” ou encore d’un programme de transmission par sa Fondation… Une série de documentaires, disponibles sur YouTube, met également en lumière l’étendue du savoir-faire artisanal d’Hermès. La maison de couture a confié la caméra à un journaliste qui est parti à la rencontre des hommes et des femmes qui conçoivent ses produits d’exception. On y voit beaucoup de blouses blanches, de mains, des gestes sûrs et appliqués. On y découvre la face humaine de la marque, avec son lot de personnalités et d’anecdotes.

Dans le même esprit, la maison Van Cleef & Arpels a présenté une très belle série vidéos de neuf épisodes, intitulée Les mains d’or, réalisés par le célèbre journaliste de mode, Loïc Prigent.

Autre format intéressant pour évoquer le savoir-faire : le podcast. 

Ce format audio, qui s’est forgé ses lettres de noblesse en quelques années, est un formidable moyen de susciter la curiosité. LVMH et Hermès l’ont compris. Le premier propose “Confidences particulières”, en écho à ses “Journées particulières” qui vise à mettre en lumière l’excellence artisanale des maisons du groupe. Le second a lancé “Le faubourg des rêves”.

Ces deux podcasts laissent la parole à ces femmes et hommes de l’ombre qui se racontent et racontent leur rapport à la marque mais également leur quotidien.

Le format podcast a l’avantage de stimuler l’imaginaire. On se laisse porter par les confidences, l’ambiance sonore, les descriptions… Et notre cerveau mouline à plein régime. Rien de tel que d’entendre parler de la conception d’un carré de soie pour avoir envie d’aller voir concrètement à quoi cela ressemble. On se prend à rêver, et c’est bien le but !

La dimension savoir-faire d’une marque est donc un de ses atouts sur lequel elle a tout intérêt à communiquer. Intimement lié à l’histoire de la marque, le savoir-faire traduit dans le storytelling offre un regain d’authenticité, d’humanité et d’excellence à la marque.

Quand la vie vous offre un citron, aussi mûr et juteux qu’un savoir-faire unique, n’hésitez vraiment pas à en faire une belle citronnade !

Par Marion Lopez, content strategist chez DISKO

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